Communiqué de presse de l’AISBL Life4Brussels: La proposition de révision de l’article 150 de la Constitution a-t-elle réellement été déposée dans l’intérêt des victimes du 22 mars 2016?
A sa demande, l’association de soutien aux victimes d’attentats Life4Brussels a été entendue par la Commission de la Constitution et du Renouveau Institutionnel, ce 8 juillet 2020.
Après avoir exposé les besoins et les attentes des victimes quant au procès pénal à venir, les représentants de l’AISBL Life4Brussels ont rappelé qu’il était impossible de se positionner vis-à-vis de textes dont on ignore encore le contenu. Il s’agit en quelque sorte de faire signer un « chèque en blanc » aux victimes du 22 mars 2016.
Si cette audition a bien eu lieu en Commission, il est important de souligner que c’est grâce à la ténacité de la député Sophie Rohonyi, qui a rappelé à la parlementaire NV-A Kristien Van Vaerenbergh, fermement opposée à l’audition des victimes, que « dans les développements de sa proposition, la NV-A n’avait cessé de répéter que cette proposition visait à rencontrer les intérêts des victimes ». Comment pourrait-elle donc refuser de les entendre sur le sujet ? Madame Rohonyi a également rappellé que « ce sont quand même les premières concernées qu’il s’agit d’entendre au sein de cette Commission ». Selon la député NV-A, « le fait d’entendre les victimes provoquerait du retard, et il faut aller vite ». (Voir débats du 1 er juillet 2020 en Commission)
Ce mercredi 8 juillet en Commission, l’association Life4Brussels était représentée par trois avocats membres de son collectif d’avocats, Maître Bernard Castaigne, Maître Thierry Bayet et Maître Valérie Gérard.
Ces derniers ont insisté sur :
Le droit des victimes, d’être entendues dans le cadre d’un procès, dans lequel le temps nécessaire leur sera accordé. Or, ce droit ne peut être garanti, entre autres, que par l’oralité des débats qui permet aux victimes de prendre connaissance de l’entièreté du dossier. L’oralité des débats permet également dans bien des cas, un éclairage différent de l’affaire, elle permet d’apporter des
précisions et des explications ayant une incidence évidente sur la manifestation de la vérité.
Le droit d’obtenir dans un délai raisonnable, l’ouverture du procès des attentats de Bruxelles.
Life4Brussels n’a pas souhaité défendre l’une ou l’autre position, prises par les partisans et les détracteurs du jury populaire, mais bien partager ses impressions et ses préoccupations par rapport aux intérêts des victimes.
Ce faisant, leurs représentants ont souligné la capacité des jurys populaires à gérer des dossiers volumineux et complexes, en procédant notamment, à des examens extrêmement précis et minutieux, et ce, dans des affaires qui ont touché l’ensemble du pays (ex. : procès Dutroux, procès Nemmouche).
La proposition de révision de l’article 150 de la Constitution prévoit que les crimes de terrorisme seraient traités par le tribunal correctionnel ou par la Cour d’appel. L’une des conséquences sera que l’auteur d’un crime de terrorisme aurait le droit de faire
appel s’il n’est pas satisfait du jugement, ce qui serait refusé à l’auteur d’un crime de droit commun. Les victimes d’attentats se verraient contraintes de participer deux fois au procès.
De plus, l’amendement de l’article 150 de la Constitution prévoit l’adoption d’une loi de procédure spécifique. A ce jour, aucune proposition ou projet de loi n’a été déposé, nous permettant de déterminer quelle serait cette procédure spécifique. Par exemple, si toute la procédure d’audition à l’audience, de tous les témoins et experts (oralité des débats), sera maintenue. Nous n’avons donc aucune garantie que les droits des victimes seront préservés.
En réalité, ce que demandent les auteurs de la proposition, c’est de soustraire les crimes de terrorisme à la Cour d’assises, sans donner de garanties quant à la façon dont se déroulera les procès pour terrorisme, dont le procès des attentats du 22 mars.
A ce sujet, Maître Bernard Castaigne citera Maître Masset, professeur de droit à l’université de Liège, qui s’est exprimé sur cette proposition de modification : « voter et mettre en vigueur la modification de l’article 150 de la Constitution, sans le vote et
l’entrée en vigueur concomitante d’une nouvelle loi de procédure pour le jugement des crimes de terrorisme, est assurément le meilleur moyen d’en paralyser le jugement, puisqu’il n’y aurait alors plus aucune base légale pour tenir un procès ».
Cela fait plus de 4 ans que les attentats du 22 mars 2016 se sont produits. Les auteurs de cette proposition ont donc eu plus de 4 années pour réfléchir à la tenue de ce procès. Mais c’est à quelques semaines à peine de l’ouverture de ce procès, qu’ils réagissent en décidant de bouleverser à nouveau les victimes, compte-tenu du vide juridique que créerait le vote de cette révision de la Constitution. En effet, les victimes ne peuvent
accepter que la proposition de révision constitue pour les terroristes, la possibilité d’échapper au procès de leurs actes.
Life4Brussels conclu qu’il n’est pas de l’intérêt des victimes de se prononcer sur un texte dont elles ne savent pas ce qu’il contiendra, notamment quant à la place des victimes et quant au temps qui leur sera consacré. C’est la raison pour laquelle, au nom des victimes des attentats de Bruxelles et de Zaventem, que l’association Lif4Brussels représente, nous nous opposons fermement à la proposition de révision de l’article 150 de la Constitution, telle qu’elle est présentée aujourd’hui.
Le compte-rendu intégral de l’exposé des représentants de l’association Life4Brussels sera bientôt disponible sur le site internet de l’association.