Communiqué de presse LIFE4BRUSSELS du 30 juin 2017
Dans ce cadre, le Gouvernement va soumettre cette semaine à la Chambre un projet de loi du 23 février 2017 relatif à la création d’un statut de solidarité national et visant à l’octroi d’une pension de dédommagement ainsi que le remboursement des soins médicaux.
Bien que le Gouvernement vante les mérites de ce projet de loi, celui-ci n’a qu’une portée « symbolique » pour les victimes dans la mesure où il ne s’appliquera pas aux victimes des attentats du 22 mars 2016 étant donné que les assureurs interviennent (Ci-après).
Le régime d’indemnisation prévu par le projet de loi est celui des victimes civiles de la guerre 1940-1945 contenu dans la loi du 15 mars 1954.
Les montants fixés par cette loi sont dérisoires et sont encore exprimés en francs belges.
A titre d’exemple, une victime atteinte d’un taux d’invalidité de 50 %, dont il est certain qu’elle ne pourra plus travailler, recevra de l’Etat une pension de dédommagement de 5.150 €/an, soit moins de la moitié de l’aide qui serait fournie par le CPAS dans le cadre d’un revenu d’intégration sociale. De ce montant, il est par ailleurs prévu que l’on doit déduire les éventuelles allocations familiales qui seraient perçues.
Le régime étant « subsidiaire », cela signifie que toute personne qui bénéficierait d’une aide de la mutuelle serait également privée du bénéfice de la loi.
Au-delà de cette indemnisation dérisoire, indécente et supposée couvrir un nombre limité (voire anecdotique) de victimes, le mécanisme prévu par le Gouvernement va avoir pour effet de créer une discrimination inacceptable entre les victimes d’attentats, selon que l’attaque terroriste soit ou non couvert par un contrat d’assurance.
En effet, selon la loi du 1er avril 2007 relative à l’assurance contre les dommages causés par le terrorisme, les assureurs ne peuvent exclure le risque terroriste de leur contrat d’assurance (accident du travail, RC automobile, incendie, RC Objective- bâtiment accessible au public).
Par cette loi, les assureurs sont donc tenus d’indemniser les victimes du terrorisme qui ont été touchées dans le cadre d’un accident de travail, d’un incendie ou à l’occasion d’un accident de la circulation.
La victime qui sera touchée dans un des cas où un assureur doit intervenir aura droit à une indemnisation de l’intégralité de son dommage (indemnisation dite de « droit commun ») qui tient compte de l’âge de la victime, de sa situation professionnelle, de sa situation familiale, qui indemnisera l’entièreté du préjudice subi.
Dans le cadre d’une indemnisation intégrale du dommage comme celle prise en charge par les assureurs, un fonctionnaire de 29 ans atteint d’une incapacité permanente de 45% et qui a une rémunération nette de 30.000 €/ an et deux enfants à charge pourrait raisonnablement solliciter une indemnisation d’environ 1.000.0000 € couvrant tous ses préjudices (moral, incapacité économique, psychologique, ménager, perte d’avancement de carrière etc…). C’est assurément plus digne et plus sérieux que les 5.000 €/ an envisagé par le projet de loi.
En fonction du lieu et du type d’attentat terroriste, les victimes ne seront pas traitées de la même manière.
Ainsi, si un véhicule percute le fonctionnaire décrit dans notre exemple, dans une rue commerçante du centre d’Anvers, celui-ci pourra obtenir réparation de tout son dommage et formuler une réclamation avoisinant le 1.000.000 € à l’assureur du véhicule utilisé par le terroriste.
Si la même personne est touchée par des tirs de Kalachnikov et non par un véhicule, elle ne pourra se tourner vers aucune assurance et devra solliciter l’indemnisation prévue dans le projet de loi, qui lui octroiera une indemnité plafonnée d’environ 5.000 € par an.
Si une bombe devait exploser à l’occasion des festivités du 21 juillet ou lors des 20 km de Bruxelles, les victimes concernées devraient également se tourner vers le régime d’indemnisation des victimes de la guerre 1940-1945 et obtenir l’ « aumône » de l’Etat belge.
Cette situation est bien entendu intolérable tant, sur le plan humain que sociétal, et justifie que le projet de loi du 23 février 2017 ne soit pas votée par les parlementaires.
L’AISBL Life4Brussels suggère que le Gouvernement envisage la création d’un fonds des victimes d’actes de terrorisme qui indemnise toutes les victimes pour l’intégralité du dommage subi et ce, peu importe le type d’attaque, et l’existence ou non d’un contrat d’assurance.
Ce mécanisme d’indemnisation intégrale du dommage existe notamment en France avec le Fonds de garantie des actes de terrorisme et des autres infractions (FGTI).
Cette solution aurait le mérite de mettre en place une indemnisation décente et respectueuse des victimes d’attentat, plutôt qu’un montant dérisoire tel que prévu par le projet de loi actuel.
L’Etat belge peut raisonnablement envisager certains plafonds d’indemnisation afin de ne pas mettre en péril les finances publiques en cas d’attaque de grande ampleur.
Le projet de loi du 23 février 2017 passe totalement à côté de l’objectif d’assurer la solidarité nationale vis-à-vis des victimes qui ont été touchées par un acte terroriste, dans le seul but de porter atteinte à l’Etat et à nos institutions politiques.
La victime qui sera frappée dans sa chair et marqué jusqu’à la fin de ses jours qui aura pour seule indemnité 5.150 €/ alors qu’elle est reconnue en invalidité à 50 % n’est assurément pas traitée dignement. Ce peu de considération de l’Etat belge ne va faire qu’accroître son calvaire et ses souffrances tout en la plongeant dans une grande précarité.
Les problématiques abordées ici sont loin d’être exhaustives. Sur le plan européen, maintenir le Projet de Loi, aurait pour conséquence de facto de créer une législation disparate entre les Etats Membres, pour une problématique partagée pourtant à l’échelle européenne. Confirmer en l’état ce type de législation, aura comme conséquence la violation du principe de l’égalité de traitement entre les ressortissants de l’Union.
N.B. :
Lorsque le Gouvernement sera interpellé sur cette question, il est probable qu’il se réfugie derrière le fait qu’une victime peut s’adresser au fonds des victimes d’actes intentionnels de violence. Cette argumentation ne peut être suivie dans la mesure où le fonds n’opère qu’une indemnisation fixée en « équité » qui ne correspond jamais à une indemnisation totale du dommage. L’intervention du fonds est subsidiaire (lorsqu’il n’y a pas d’assurance) et limitée à des plafonds extrêmement bas entre 5.000 € et 125.000 €.
Si une personne tétraplégique a besoin de l’aide d’un tiers, elle peut espérer obtenir un montant maximal de 125.000 €. Cependant, le simple aménagement de son logement suite à son handicap, risque d’englober l’ensemble de l’aide octroyée, au risque de se retrouver sans ressources pour faire face à ses difficultés quotidiennes (voiturettes, aide de tiers, nourriture, soins médicaux etc…).