Jeudi 18 juin 2020 : Les terroristes assisteront-ils aux « funérailles du jury populaire et de la Cour d’assises » ?
Il ne revient pas l’AISBL Life4Brussels, défendant l’intérêt des victimes d’attentats, de se positionner de manière ferme sur la question « pour ou contre le procès d’assises avec un jury populaire ? ».
Cependant, il s’agit d’une nécessité pour l’AISBL Life4Brussels de mettre en avant les intérêts des victimes, à savoir :
1. Le droit d’être entendu dans le cadre d’un procès dans lequel le temps nécessaire pour s’exprimer doit leur être accordé.
2. Le droit d’obtenir, dans un délai raisonnable, l’ouverture du procès des attentats de Bruxelles sans que celui-ci ne soit retardé par une révision constitutionnelle, ainsi que par l’élaboration d’une loi procédurale d’exception adoptée dans la précipitation, pour les besoins de l’affaire.
Les victimes des attentats de Bruxelles ont déjà fait les frais de « lois bancales » au niveau de la réparation de leur dommage, elles ne doivent pas à nouveau faire les frais d’une loi anticipée pour la tenue du procès.
La disposition constitutionnelle instaurant un jury populaire pour les procès criminels existe depuis 1831 (article 150 de la Constitution). Elle a été instaurée dans le texte fondateur de la Belgique, car, pour le Constituant belge, faire comparaître l’accusé devant un jury assisté de magistrats professionnels, représente une garantie fondamentale de la qualité du procès et de sa légitimité.
Supprimer la cour d’assises, la remplacer par une alternative innovante ou la réformer n’est pas un débat récent. En 2004, une commission pluridisciplinaire, au sein du parlement, s’est penché sur cette question. Cela a donné lieu à la loi du 21 décembre 2009, par laquelle le législateur, tout en réformant, a maintenu la Cour d’assises dans sa forme actuelle, avec un jury populaire. En 2016, le Ministre Koen Geens, sans révision de la Constitution, a fait voter une loi signant la « mort » du jury populaire, mais a été rattrapé, en 2017, par la Cour constitutionnelle qui a annulé cette disposition, redonnant tout son sens à la Cour d’assises et au jury populaire.
Depuis les prémisses de l’ouverture du procès des attentats de Bruxelles, des raisons financières et organisationnelles, pour lesquelles le Parquet fédéral a largement pris part, ont été avancées pour remettre en cause la tenue d’un procès devant un jury.
En 2019, la première phase de cette modification a été enclenchée, par le biais d’une déclaration de révision de la Constitution, publiée au Moniteur belge le 23 mai 2019, reprenant l’article 150 de la Constitution, parmi les dispositions constitutionnelles ouvertes à révision. La proposition de révision déposée, aujourd’hui, par la N-VA, se situe dans la dernière phase de révision constitutionnelle et a pour but de créer une règle d’exception pour les « procès terrorisme » qui ne seraient plus jugés devant un jury populaire assisté de magistrats professionnels en assises, mais devant le tribunal correctionnel, avec quelques aménagements. Pour que cette révision aboutisse, elle doit encore recueillir une double majorité forte des deux tiers (deux tiers des membres du parlement présents au moment du vote et deux tiers de votes en faveur du texte). De plus, une loi relative à cette nouvelle procédure, pour les procès « terrorisme » en correctionnelle, doit être élaborée et votée.
Life4Brussels s’inquiète quant à ces modifications législatives à l’aube du procès des attentats de Bruxelles, et qui plus est, déposée pendant la crise sanitaire. Life4Brussels entend tirer la sonnette d’alarme, pour qu’un texte portant sur une institution aussi fondamentale que la Cour d’assises, ne passe pas en force. Le procès d’assises a ses forces et ses faiblesses, et sa suppression dans les procès « terrorisme » doit faire l’objet d’un débat, indépendamment et sans retarder la tenue du procès des attentats de Bruxelles. Une commission pluridisciplinaire semblable à celle mise en place en 2009, doit être installée, dès lors qu’il ne s’agit plus de supprimer purement et simplement la Cour d’assises, mais de créer une règle d’exception pour le terrorisme. Les victimes ne peuvent pas, à nouveau, être les « cobayes » du pouvoir législatif et constituant.
Les victimes ne peuvent passer outre les garanties procédurales du procès d’assises, tels que le temps consacré aux victimes, à l’audition de témoins, des experts, des policiers et des juges d’instruction. C’est effectivement un procès qui demande du temps et de l’organisation, mais c’est aussi un procès hors norme qui a touché la population dans son ensemble, et qui justifie de ce fait la présence d’un jury populaire qui représente symboliquement cette même population. Le temps qui sera consacré au traitement de ce dossier se justifie également par la gravité et l’ampleur des faits qui y seront soumis. Au vu de la gravité des faits, les enjeux financiers ne peuvent avoir une incidence sur les mesures prises. Les victimes ont le droit à un procès qui leur rend justice et cela prime sur l’aspect « efficacité et économie ».
Le texte déposé par la N-VA suggère au pouvoir législatif d’inclure dans une loi d’exception certaines garanties procédurales et des garanties sur le minimum et le maximum des peines que pourra prononcer le tribunal correctionnel à l’égard des terroristes. Cependant, d’une part, cela reste une suggestion, nous ne savons pas encore ce qui se retrouvera dans cette loi. D’autre part, le texte ne dit rien quant à la place des victimes et quant au temps qui leur sera consacré.
Life4Brussels et son collectif d’avocats suivront attentivement les débats, afin de veiller au respect des droits des victimes.
Pour toute question, veuillez svp contacter :
Maître Nathalie Colette-Basecqz, pénaliste, professeur de droit pénal à l’université de Namur et membre du collectif d’avocats de l’AISBL Life4Brussels:
Maître Olivia Venet, pénaliste, présidente de Ligue des Droits Humains et membre du collectif d’avocats de l’AISBL Life4Brussels: